1998 L’efficacité des services publics urbains

Synthèse Journée d’Étude AdP

du vendredi 3 septembre 1998

L’EFFICACITÉ DES SERVICES PUBLICS URBAINS

Cherchant à examiner quelles sont les conditions profondes de l’efficacité en matière de ville, et plus particulièrement de l’efficacité sociale de la ville ou capacité à maintenir un certain équilibre social, et estimant que les services urbains contribuent à cet équilibre, les interventions de cette journée se proposent d’examiner les différentes questions sous-jacentes à l’action d’aide au développement urbain. Les communications abordent cette question des services urbains sous l’angle technique, puis sous l’angle financier et économique.

Dans sa rétrospective sur la gestion déléguée du service public en France, Xavier Bezançon propose ce qui pourrait être considéré comme un long résumé des deux ouvrages qu’il a publiés sur l’histoire des services publics en France, le premier tome couvrant la période allant du Moyen-âge à la Révolution, et le second de la Révolution à la Première Guerre mondiale. Il expose également les connaissances historiques sur les périodes plus anciennes (l’Empire romain) et leur influence sur les temps qui suivirent : apparition de la le première forme de délégation dans le système médiéval. Il commente la délégation fiscale et domaniale utilisée pour la mise en valeur du domaine entre les 13ème et 16ème siècles, la délégation d’infrastructures et de services du 16ème au 19ème siècle. Il évoque enfin le système de concession et de régie qui a inspiré le monde entier dans le contexte du développement de la notion de marché. Les questions sur ce vaste exposé ont porté sur le cas des chemins de fer, les pratiques de péage urbain.

Jean-Luc Gonzales, chef du Bureau Afrique au Service de Coopération technique International de Police (SCTIP), aborde les questions de sécurité urbaine. Ayant rappelé que la présence de policiers français à l’étranger participe aussi et d’abord au renforcement de la sécurité intérieure française, il présente les actions de coopération technique engagés par le Ministère de l’Intérieur au bénéfice des services publics policiers locaux avec divers financements de coopération. Il évoque plus précisément un projet mené en Côte d’Ivoire financé par le FAC (fonds d’aide et de coopération du Ministère de la Coopération) et un projet au Mali financé par l’Union européenne, décrivant les contextes de délinquance et de violence, les méthodes apportées pour la lutte contre la criminalité et le maintien de l’ordre, ou dans l’organisation et l’implantation des services (des polices municipales par exemple), ceci en tenant compte des réalités locales.

Yves Amsler qui a longtemps travaillé sur des projets de coopération technique dans le domaine des transports, rend compte de nombreuses observations et expose des réflexions sur les divers aspects des relations entre pouvoirs publics et exploitants et la manière d’assurer la rentabilité des services de transports publics urbains. En proposant un panorama des différentes situations d’organisation du secteur des transports dans des pays et des villes de tous les continents (Mexico, Buenos Aires, Afrique du Sud, France, en s’attardant notamment sur le cas britannique dont il donne des éléments de bilan critique, et sur le cas du Grand Londres où il n’y a pas eu déréglementation) : déréglementation et privatisation, subventions, conventions, politique de tarification, maintien ou réintroduction de réglementation, concurrence, coordination.

Bernard Collignon d’Hydroconseil propose des réflexions sur les pratiques de service public de l’eau pour les populations défavorisées. Il observe le rôle important tenu par les opérateurs privés et souvent informels dans l’approvisionnement de petits centres urbains et des quartiers irréguliers ou illégaux des grandes métropoles, l’activité de ces opérateurs privés ayant un poids économique considérable, générant de nombreux emplois et se développant dans des espaces où le secteur public est absent. Dans de tels contextes, le passage au secteur formel ne conduit pas nécessairement à l’amélioration de la qualité de service. Ceci pose la question du choix de l’opérateur dans un environnement très dynamique et diversifié.

Jean-Paul Blandinières, tout en projetant des affichages d’écrans Internet, se propose de donner une idée d’un certain nombre d’applications des technologies de l’information à des problématiques de gestion de l’espace, autrement dit de géomatique, l’informatique appliquée à la géographie. Il présente tout d’abord deux applications orientées vers l’information du public : une application de publicité foncière dans laquelle il est possible d’interroger le cadastre d’un comté d’Arizona aux Etats-Unis, et une application d’information sur l’état de la qualité de l’eau en Irlande. Il présente ensuite des applications d’analyse et de connaissance des problèmes ou des phénomènes urbains : analyse des transactions foncières sur le périmètre de Paris et de sa première couronne, couplage de ces informations avec des données de la réalité sociale et physique du terrain de la communauté urbaine de Dunkerque (étude de l’influence des ZAC sur les marchés). Il évoque enfin l’aspect « acquisition des données » qui se fonde sur l’exploitation et le traitement des données des capteurs de satellites, ces capteurs délivrant des informations sur diverses caractéristiques optiques du sol. Les questions posées portent notamment sur la commercialisation, la disponibilité et la publicité de ces données.

Eric Baye expose quelques pistes de réflexion sur l’émergence et l’activité des grands groupes, conglomérats asiatiques dans le domaine des services urbains, et plus particulièrement dans le domaine des infrastructures. Ayant précisé qu’il existe évidemment des différences marquées entre les pays asiatiques, il observe toutefois qu’il existe une forte tradition de contrôle des activités par les pouvoirs publics, autrement dit de gestion en régie. Cette situation a toutefois évolué au cours des années 1980, la croissance économique s’étant traduite par l’apparition de structures industrielles locales de plus en plus impliquées dans la gestion des infrastructures et des services urbains. De plus, dans le même temps, les grands groupes occidentaux ont été intéressés par la rentabilité économique du secteur des services urbains. Eric Baye décrit quelques caractéristiques des groupes ou conglomérats asiatiques qui se sont alors développés, leur capacité à mobiliser des fonds tirés d’activités plus spéculatives (immobilier par exemple) pour les réinvestir dans les services urbains, en suivant une logique industrielle ou commerciale plutôt qu’une logique d’opérateur. En revanche, du fait notamment d’une croissance financée par endettement pour la construction de grandes infrastructures et aussi de problèmes d’ordre structurel, ces grands groupes connaissent des difficultés financières et des mouvements d’agitation sociale qui induisent un recentrage de leurs activités. Ceci se traduit par un retrait des investissements privés et un blocage en matière de services urbains du fait de l’insuffisance des budgets publics.

Denis Lévy, de l’Institut de Gestion Déléguée, propose un regard sur les stratégies des opérateurs français (Bouygues, Générale des Eaux, Lyonnaise des Eaux). Il commente quelques chiffres portant sur la répartition de la gestion des services publics en France, la répartition entre le privé et le public en fonction des types des services (énergie, déchets, eau, vidéosurveillance). Dans un second temps, il aborde la dimension internationale de ces stratégies, le développement international pouvant être mis en relation avec le constat d’échec par la Banque Mondiale de la gestion publique des services urbains. Il observe que les évolutions diffèrent d’un continent à l’autre.

En traitant du cas du pont d’Abidjan, Jean-Louis Venard (AFD) commente un exemple de financement privé d’infrastructures de transport. Après avoir décrit le contexte constitué par l’agglomération d’Abidjan, sa croissance démographique et urbaine, le besoin depuis longtemps reconnu d’un nouveau pont et la définition du projet en fonction du trafic, il rend compte de la mise en place progressive du financement qui était constitué d’apports en fonds propres des actionnaires de la société concessionnaire, des emprunts de celle-ci et par l’Etat ivoirien (par l’intermédiaire de l’AFD). Jean-Louis Venard expose les enseignements et leçons tirés de cette expérience qui constitue une sorte de révolution en matière de procédures de conception et d’exécution de travaux publics.

Xavier Le Brishoual, coopérant, dans une intervention intitulée « De la nécessité et des conditions de la privatisation des services collectifs en Afrique subsaharienne » a décrit le contexte et l’évolution des services collectifs, mais sa contribution n’est pas disponible dans les actes.

Lors de la table ronde, les intervenants répondent à plusieurs questions de François Noisette sur les préoccupations de Bruxelles dans les services publics européens, sur l’existence de la concurrence dans les services publics en Afrique, sur le problème de la nationalité des opérateurs, et sur l’analogie éventuelle entre les ONG d’aujourd’hui avec des formes d’intervention sous les anciens régimes ou sur l’incitation à une certaine discipline des usagers par rapport aux services publics au cours des siècles passés.

 

The Efficiency of urban public services

Study day – September 1998 « Synthesis »

 

Those taking part in this workshop attempted to identify the fundamental conditions for urban efficiency, in particular for the social efficiency of the city or its ability to maintain a certain social equilibrium, and, considering that urban services contribute to this equilibrium, set out to examine various issues that underlie urban development aid activities. The contributions approached the urban services issue from a technical standpoint first, and then from the financial and economic angles.

Xavier Bezançon gave a historical account of the delegated management of public services in France. This account can be seen as a long summary of his two books on the history of public services in France, the first volume of which covered the period from the Middle Ages to the Revolution, and the second the period from the Revolution to the First World War. He also described historical knowledge about earlier periods (the Roman Empire) and their influence on later times (the appearance of the first type of delegation in the medieval system). He described the delegation of fiscal and estate matters that was implemented in order to develop estates between the 13th and the 16th centuries, and the delegation of infrastructures and services from the 16th to the 19th centuries. Last, he described the system of concession and government control which influenced the entire world in the context of the development of the concept of the market. The questions on this vast topic related to the case of railways and urban tolling practices.

Jean-Luc Gonzales, who is Head of the African Bureau of the International Police Cooperation Service (SCTIP), dealt with urban security issues. After mentioning that the presence of French police officers abroad also, and even primarily, increases French domestic security, he described the technical cooperation activities undertaken by the Ministry of the Interior to assist local police departments with a variety of cooperation funding. In greater detail, he described a project carried through in Côte d’Ivoire financed by the Cooperation Aid Fund (FAC) from the Ministry of Cooperation and one project in Mali financed by the European Union, describing the context with regard to crime and violence, the methods provided for combating crime and keeping order, or for organizing and setting up departments (local police for example), taking local situations into account.

Yves Amsler, who has worked for a long time on technical cooperation projects in the field of transport, expressed a number of thoughts and ideas about the links between the public authorities and operators and how to ensure that urban public transport services are profitable. He provided an overview of the organization of the transport sector in countries and cities on all the continents (Mexico, Buenos Aires, South Africa, France, and paid particular attention to the situation in the UK about which he made some critical comments and in Greater London where deregulation did not take place) : deregulation and privatization, subsidies, agreements, pricing policy, maintaining or reintroducing regulation, competition, coordination.

Bernard Collignon from Hydroconseil presented some thoughts about public service practices with regard to water for underprivileged groups. He mentioned the importance of operators from the private, and frequently the informal sectors, in providing services to small urban centres and irregular or illegal districts in large metropolises, the activity of these operators having a considerable economic impact, generating a large number of jobs and taking place in areas where public sector is absent. In such situations, the transition to the formal sector does not necessarily lead to an improvement in the quality of service. This raised the issue of the choice of the operator in a very dynamic and diverse environment.

Jean-Paul Blandinières projected some web pages to give an idea of a number of applications of information technologies to the problems of the management of space, in other terms geomatics, which is the application of computer technology to geography. He began by presenting two applications that are intended to inform the public : one property advertising application in which the public can interrogate the land registry of a county in Arizona in the United States, and another information application on water quality in Ireland. He then presented applications for analyzing and generalizing awareness about urban problems or phenomena : the analysis of property transactions in Paris and its inner suburbs, the coupling of this information with data on the social and physical situation in the urban community of Dunkirk (a study of the influence of joint development zones on markets). Last, he described the “data acquisition” aspect which is based on the exploitation and processing of satellite sensor data which provide information about the optical characteristics of the ground. The questions that were asked mainly related to the marketing, availability and publicization of these data.

Eric Baye presented some thoughts about the emergence and activity of large Asian groups or conglomerates in the area or urban services, particularly infrastructures. After explaining that there are obviously considerable differences between different Asian countries, he pointed out that there is nevertheless a strong tradition of the public authorities’ controlling activities, in other terms State-controlled management. This situation nevertheless changed during the 1980s, as economic growth led to the appearance of local industrial structures that were increasingly involved in the management of infrastructures and public services. At the same time, large Western groups were attracted by the economic profitability of the urban services sector. Eric Baye describes some of the features of the Asian conglomerates or groups which developed at the time, namely their ability to raise finance drawn from activities of a more speculative nature (property, for example) in order to reinvest it in urban services, following an industrial or a commercial strategy as opposed to an operator’s strategy. However, due in particular to the fact that these large groups took on debt in order to construct major infrastructure facilities and also, because of structural problems, they encountered financial difficulties and industrial unrest which caused them to refocus their activities. This resulted in a withdrawal of private investment and a freeze on urban services as a result of the inadequacy of public budgets.

Denis Lévy, of the Institute of Delegated Management, examined the strategies of French operators (Bouygues, Générale des Eaux, Lyonnaise des Eaux). He commented on some figures about the management of public services in France with regard to the distribution between public and private sectors according to the type of services (energy, waste, water, video surveillance). He then examined the international dimension of these strategies, as international development can be linked to the failure observed by the World Bank in the public management of urban services. He commented that the changes differ from one continent to another.

Jean-Louis Vénard (AFD) used the example of the Abidjan bridge to talk about private sector financing of transport infrastructure. After a description of the context created by the Abidjan conurbation and its demographic and urban growth, the long-recognized need for a new bridge and the specification of the project with reference to the traffic, he described the gradual raising of finance which was made up of equity provided by the shareholders of the concessionary company, borrowing by this company and by the Côte d’Ivoire government (through the AFD). Jean-Louis Venard described the lessons drawn from this experience which amounts to a revolution in the procedures for designing and performing public works.

Xavier Le Brishoual, a development worker, in a paper entitled “The need and terms for the privatization of public services in sub-Saharan Africa” described the context and development of community services, but his contribution was not included in the proceedings.

During the round table, the speakers answered several questions from François Noisette about the preoccupations of Brussels with regard to European public services, the existence of competition in public services in Africa, the problem of the nationality of operators and whether there is an analogy between NGOs today and forms of intervention under former regimes or the encouragement of user discipline with regard to public services in previous centuries.