Journée AdP 3 septembre 2010 : « Espaces socio-économiques et développement urbain »

Si la croissance économique fait évoluer l’espace économique et l’espace urbain, le développement urbain peut-il déterminer la croissance économique ? (A.Venables, cité par le WDR 2009)

Au Forum Urbain Mondial de Vancouver, en juin 2006, le PNUD et la Banque Mondiale reconnaissaient que les efforts pour freiner l’urbanisation dans les PED avaient échoué à endiguer la croissance urbaine et que celle-ci poursuivrait son accélération pendant encore une génération au moins – doublement des villes en 20-25 ans. Ils recommandaient, en conséquence, une révision des politiques de développement urbain, pour équilibrer les ressources entre l’amélioration des quartiers défectueux et l’extension ordonnée des villes.

A l’évidence l’accueil de populations supplémentaires dans des villes déjà surchargées, “informalisées”, ne pouvait pas recueillir l’adhésion de l’ensemble des responsables urbains réunis à Vancouver.

Trois ans plus tard, le WDR 2009 de la Banque Mondiale élargit le débat en abordant la problématique des disparités spatiales au sein du développement. La conclusion du Rapport est que « la concentration urbaine est inévitable et généralement favorable à la croissance économique, mais que les grandes disparités spatiales dans les niveaux de bien-être qui accompagnent souvent cette concentration lui sont contraires. Le principe directeur, pour concevoir les politiques et les institutions susceptibles d’aider les PED à profiter de la concentration économique tout en gardant des disparités spatiales raisonnables, réside dans une meilleure intégration des espaces aux marchés.

Soumis aux revendications pressantes des populations écartées du développement économique et destinataires de flux d’investissements limités les responsables politiques locaux et nationaux ne peuvent accepter cette nouvelle orientation.

 

En tant que professionnels de l’aide au développement urbain ou à l’aménagement du territoire, nous pourrions nous réjouir de ce retour en grâce de la ville et de l’espace dans les engagements des organisations internationales d’aide au développement. D’autant que le WDR 2009 identifie trois débats ou, plus exactement, trois niveaux d’intervention publique qui nous sont familiers : la transformation rurale-urbaine (l’urbanisation), le développement régional (local) et l’intégration régionale – à la terminologie près. Pour autant, l’ensemble est-il cohérent et sommes-nous pleinement satisfaits ?

Largement inspiré par le prix Nobel d’économie Paul Krugman et les apports de « la nouvelle géographie économique », le WDR 2009 fonde son argumentation sur la logique de la recherche des économies d’échelle comme la voie universelle et incontournable du « développement » – i.e. d’élévation de la productivité des facteurs et des revenus des agents économiques – et sur la conviction que les disparités de tous ordres sont inhérentes au décollage économique mais qu’elles se réduisent naturellement avec la poursuite de la croissance.

Prenant comme référence certains pays émergents, Brésil, Inde, Chine essentiellement ce raisonnement ne donne-t-il pas trop d’importance à l’industrialisation, voire à l’économie : devront-ils s’accommoder longtemps encore d’une offre d’emploi industriel ou moderne sans rapport avec leur croissance démographique ? N’y a-t-il pas, dans ces pays et même à l’échelle mondiale cohabitation, entre des étapes successives de l’évolution économique, depuis celle des chasseurs-cueilleurs (qui existe encore), les agricultures de subsistance (encore très importantes), l’économie marchande pré- industrielle chacune requérant une organisation territoriale et un réseau urbain, différents de ceux qui répondent à l’étape de concentration du capital industriel ? Pour rapporter son expérience en Tanzanie, Goren Hyden ne titrait-il pas son livre “No Shortcuts To Progress” !

Certes, le WDR 2009 confirme le rôle déterminant des villes dans le développement, en tant qu’espaces et institutions de production d’économies d’agglomération (externes ou d’échelle) mais il condamne encore un « biais urbain » trop important qui peut entraîner des coûts inutilement élevés : embouteillages, taudis, et pollution. Il recommande qu’aux premiers stades de développement, un environnement urbain favorable repose sur des services de base, une saine gestion, le maintien de l’immigration rurale dans une limite gérable… et de « concevoir des politiques rurales en rapport avec le stade économique et la transformation rurale-urbaine », portant l’effort, pendant le décollage industriel, sur la fourniture des services essentiels et la formation. Politique dont le FUM de Vancouver a reconnu l’inefficacité pour limiter les migrations !

Dès lors, s’il est vain, voire coupable, de prétendre maintenir les populations rurales et leur croissance loin des villes, ou de pratiquer des politiques volontaristes de localisation industrielle, un « Développement Régional » en rapport avec une situation économique pré-industrielle, à la fois urbain et rural, n’est-il pas une voie plus pertinente pour relever les défis auxquels les territoires des PED et plus encore des PMA sont confrontés? Quelle conception de l’ « Aménagement du Territoire » traduirait le mieux cette vision du développement ?

Si, enfin, les villes sont moteurs potentiels du développement – local, régional ou national – elles ne peuvent jouer effectivement ce rôle que si elles produisent des économies d’agglomération, tout en intégrant la “mauvaise urbanisation” et les “activités informelles”. Le problème n’est-il pas, à toutes les échelles, de produire des établissements humains gérables, vivables, si possible bancables quoique majoritairement et durablement pauvres et informels ?

Avons-nous, les uns et les autres des propositions à faire à ce sujet, pour éviter l’anarchie urbaine si coûteuse, assurer la sécurité des biens et des personnes, réaliser et faire fonctionner des services urbains adaptés aux besoins et aux capacités financières évolutives des différents bénéficiaires, sans tomber dans l’écueil de normes excessives?

Quelles perspectives pour les professionnels qui appuient les différents acteurs dans ces pays au niveau des Etats, des collectivités territoriales notamment en matière de ressources à mobiliser, des organisations de base et des entrepreneurs pour intégrer dans leur ensemble les enjeux et les réponses pour l’aménagement de ces territoires.

Tels sont les thèmes sur lesquels la Journée ADP 2010 vous invite à débattre.

notre concept d’« Aménagement du Territoire » recouvrant à peu près les « Regional Development et Physical Planning » anglosaxons.