1992 Quels hommes pour quelle coopération avec le sud

Synthèse Journée d’Étude AdP

du vendredi 4 septembre 1992

QUELS HOMMES POUR QUELLE COOPERATION AVEC LE SUD?
Ecole Nationale des ponts et Chaussées

 

Après un exposé de Xavier Crépin, président de l’AdP, évoquant les statuts de l’association, son activité, les problèmes de recasement professionnel des adhérents après leur retour en France, puis présentant les diverses interventions, celles-ci se proposent d’apporter quelques éclairages sur l’activité professionnelle des intervenants dans le domaine du développement urbain des pays en développement et son devenir : quels sont les besoins des pays en développement ? Quels sont les modes d’intervention des bureaux d’études, des institutions en charge de la coopération ? Quels sont les profils des professionnels présents dans ces missions ? Comment développer les capacités des pays du Sud ? Telles sont quelques unes des questions auxquelles les intervenants donnent des éléments de réponse inspirés par leur expérience. Chaque intervention est suivie de questions et d’un débat.

Dans son exposé Hugues Leroux, consultant, présente tout d’abord les problèmes urbains du Sud du Sahara en donnant un ordre d’idée quantitatif des populations concernées et en indiquant les actions menées dans le cadre des aides multilatérales ou bilatérales. Il propose un bref tour d’horizon des besoins exprimés et analyse plus précisément la manière dont a évolué la manifestation de la demande : évolution des actions dans le secteur urbain, évolution des modes d’intervention, aspect parfois ambigu et contradictoire de la formulation. Il illustre son propos par l’évocation de quatre exemples vécus d’intervention avec un bureau d’études : le grand maillage de Bamako (réalisé en 1987-1990), deux projets urbains à Djibouti (première tranche sur les quartiers ancien en 1982, projet de réalisation de la grande trame en 1990), la réalisation d’une opération pilote pour le drainage de la ville de Bangui, et deux axes d’intervention au Cameroun (d’une part, des projets de voirie, drainage, etc. à Douala, Yaoundé et cinq villes secondaires, et d’autre part, une réflexion sur trois thèmes de plans d’action portant sur le développement municipal, l’urbanisme et l’habitat, et l’ensemble cadastre-domaines-système foncier). En faisant référence à ces expériences, mais aussi à quelques données quantitatives fournies sous forme graphique (distribution d’âge et effectif par tranche d’âge des coopérants, évolution du nombre d’ingénieurs en coopération technique et du nombre d’ingénieurs détachés au titre de la coopération technique depuis les années 1960, répartition géographique, institutionnelle et par profil des fonctionnaires à l’international), ainsi qu’aux évolutions des contextes, Hugues Leroux questionne les évolutions des domaines de coopération, des intervenants (cadres nationaux, assistance technique, consultants et bureaux d’études).

Patrick Canel, spécialiste des questions urbaines dans la Division Technique et Infrastructures de la Banque Mondiale, rend compte de ses observations et des réflexions en cours à la Banque Mondiale dans le domaine de l’assistance technique. L’objectif est de développer la présence du secteur privé local dans le marché des prestations, ce qui passe par la mise en place de procédures et de mécanismes de passation des marchés. Patrick Canel commente l’évolution des types de projets urbains et les problèmes rencontrés pour trouver les bons profils professionnels. Il souligne les atouts des ingénieurs municipaux français qui, par expérience, sont dotés de la capacité à mettre en place des services techniques et des méthodes de suivi et de contrôle. Il évoque et commente enfin les évolutions des modes de travail de la Banque mondiale avec les assistants techniques et les bureaux d’études.

Bernard Gambini, chef du département international de la Direction de Formation Continue à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, propose un exposé sur les conditions du transfert de technologie, en définissant la technologie comme un ensemble constitué d’équipements matériels, d’une organisation accompagnant ce matériel, de méthodes et de savoir-faire, et de personnels qualifiés. A travers l’exemple de la relation avec l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine (ARRU) de Tunisie, il explique comment, en mettant en œuvre quelques principes, son équipe tente de faire du transfert de technologie avec de la formation.

Daniel Fino, socio-économiste à l’Institut Universitaire du Développement de Genève et spécialiste de la question des ressources humaines dans d’autres secteurs que celui du projet urbain, se propose de mettre en évidence la montée des pays du Sud dans la relation entre expertise externe et ressources locales. Après un rappel des principales caractéristiques et des principaux objectifs de la coopération technique (amélioration du capital humain par les mesures de coopération, renforcement de l’appareil institutionnel public et privé gérant l’économie et la société en général), Daniel Fino expose quelques réflexions sur le bilan à tirer de cette coopération : question des critères d’évaluation, faiblesse des résultats dans le « capacity building », trop forte orientation sur le court terme, se fixer désormais comme objectif de créer des conditions favorables au développement de l’autonomie. Dans la dernière partie de son intervention, l’auteur traite de cinq points posant notablement problème : le poids important du projet externe, la faiblesse dans la phase d’identification des actions de développement, le manque de définition des cahiers des charges (qui fait quoi ?), le caractère pas assez systématique de la formation, et les limites du concept de « relève ».

Pierre Allain, membre d’un cabinet conseil en ressources humaines appartenant à un groupe ayant, non seulement des activités de recrutement, mais aussi d’outplacement (pour le reclassement du personnel licencié), et de formation, expose quelques réflexions sur la gestion de carrière. Il décrit tout d’abord les méthodes de travail des chasseurs de tête dans la recherche des sociétés clientes, puis dans la recherche de candidats pour une mission donnée (utilisation de divers supports pour les annonces : journaux, services télématiques) et donne une estimation des coûts de ces recherches. Dans la deuxième partie de son exposé, Pierre Allain décrit plus brièvement l’activité d’outplacement (effectuer des bilans, actions de contacts) et donne une idée de son coût, puis évoque l’activité de formation.

Est-ensuite proposée la retranscription d’une table ronde (et du débat qui l’a suivie) animée par Jean-François Vergès et ayant rassemblé Claude Martinand, directeur de la Direction des Affaires Economiques et Internationale (DAEI) du ministère de l’Equipement, Jean-Claude Faure, directeur du Développement au ministère de la Coopération et du Développement, René Vrignaud, directeur des Services Techniques de la ville de Nantes, et Patrice Bonnet, directeur de division à OTH International. Après un propos introductif de Jean-François Vergès sur quelques aspects économiques des ressources humaines dans le secteur de la coopération, sont abordées ou présentées l’action de la DAEI et ses relations avec le ministère de la Coopération, l’évolution de l’approche de ce ministère sur les questions de développement et d’environnement urbain, mais aussi développement institutionnel, l’importance donnée à la transversalité, à la pluridisciplinarité et au travail en équipe dans cette approche, les relations de partenariat avec divers organismes (ONG, coopération décentralisée, volontariat), l’action des collectivités locales (l’exemple de Nantes) et celle d’un bureau d’études dans le bâtiment et les travaux publics. Les débats, parfois vifs, ont porté sur la faiblesse du nombre des bureaux d’études d’urbanisme en France, sur le rôle de l’Etat, sur le coût des compétences.

 

What kind of people for what kind of cooperation with the south?

Study day – 4 september 1992 « Synthesis »

 

After a presentation by Xavier Crépin, president of the AdP, which described the statutes of the association, its activities, the problems faced by members when they try to find new jobs on returning to France, and went on to present the various speeches which aimed to provide some insight into the professional activities of those involved in urban development in developing countries now and in the future: what are the needs of developing countries? How do consultancies and the institutions responsible for cooperation operate? What are the profiles of the professionals on these assignments? How can we develop the capacities of the countries of the South? These are a few of the questions to which the speakers attempted to provide some answers based on their experience. Each statement was followed by questions and a discussion.

The consultant Hugues Leroux began by presenting the urban problems facing the South of the Sahara by giving a quantitative estimate of the size of the populations affected and describing multilateral or bilateral aid programmes. He presented a brief survey of stated needs and analyzed more closely how the nature of demands has changed: changing urban programmes, changing modes of intervention, the occasionally ambiguous and contradictory manner in which demands are formulated. He illustrated his remarks by referring to four cases drawn from his experience with a consultancy: the major gridding operation in Bamako (between 1987 and 1990), two urban projects in Djibouti (the first phase dealing with old districts in 1982 and a project for creating the major infrastructure networks in 1990), the setting up of a pilot drainage project in the city of Bangui, and interventions in two spheres in Cameroon (first, a road and drainage projects etc. in Doula, Yaoundé and five secondary cities, and a three topic analysis of action plans relating to municipal development, urban planning and housing, and, second, the system formed by the land registry, state property and land ownership system). Referring to this experience, but also to some graphs presenting quantitative data (the age distribution of aid workers, how the numbers of engineers working on technical aid projects and on secondment for technical aid have changed since the 1960s, the geographical, institutional and profile distribution of civil servants working internationally), and describing how contexts have changed, Hugues Leroux examined the changes in the different aspects of cooperation (national frameworks, technical assistance, consultants and engineering departments).

Patrick Canel, an expert on urban affairs in the Engineering and Infrastructure Division of the World Bank, gave an account of his observations and current thinking in the World Bank about technical assistance. The goal is to develop the presence of the local private sector in the market for services, for which it is necessary to set up procedures and mechanisms for awarding contracts. Patrick Canel described how the types of urban project had changed and the difficulty of finding staff with the right professional profiles. He highlighted the qualities of French municipal engineers whose experience means they can set up engineering departments and monitoring procedures. He ended by describing the changes in how the World Bank works with technical assistants and design departments.

Bernard Gambini, Head of the International Department at the Directorate for Continuing Education at the Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, gave an account of how technology transfer takes place, defining technology as an entity consisting of equipment, an organization that goes with this equipment, methods and know-how and qualified staff. Using the example of links with the Tunisian Agency for Urban Rehabilitation and Renovation (ARRU) he explained how his team, by applying a few principles, was attempting to accomplish technology transfer by means of training.

Daniel Fino, a socio-economist at the University of Geneva Development Institute and an expert on the issue of human resources in sectors other than urban projects, set out to highlight the growing importance of local resources from the countries of the South in relation to outside expertise and local resources. After a review of the principal characteristics and objectives of technical cooperation (improving human capital by cooperative activities, strengthening the public and private institutional system that manages the economy and society in general), Daniel Fino then made some remarks about the conclusions to be drawn from this cooperation: the importance of evaluation criteria, the poor results in the area of capacity building, excessive concentration on the short term, the need now to attempt to create conditions that foster autonomy. In the last half of his speech, he dealt with five points which raise particular problems: the importance of external projects, shortcomings in the specification phase of development programmes, the imprecise nature of terms and conditions (who does what?), the fact that training is not sufficiently systematic, and the limits of the concept of “relief”.

Pierre Allain, who works for a human resources consultancy that belongs to a group involved in recruitment and outplacement (in order to retrain staff who have been made redundant) as well as training presented some ideas about career management. First, he described how headhunters go about looking for client companies, then how they look for candidates for a given assignment (use of various media for advertisements: newspapers, telematic services) and gave an estimate of the costs of these services. In the second part of his statement, Pierre Allain gave a briefer description of the outplacement activity (making reports, contact activities) and gave an idea of its cost. He ended with an account of training activities.

Next came the transcript of a round table (and the ensuing debate) moderated by Jean-François Vergès that brought together Claude Martinand, head of the Directorate for Economic and International Affairs (DAEI) at the Ministry of Infrastructure, Jean-Claude Faure, head of Development at the Ministry of Cooperation and Development, René Vrignaud, director of Technical Services in the City of Nantes, and Patrice Bonnet, divisional manager at OTH International. After an introductory statement by Jean-François Vergès on a few economic aspects of human resources in the cooperation sector, the round table covered the DAEI’s activities and its links with the Ministry of Cooperation, the changes in the Ministry’s approach not only to development and urban environment issues but also institutional development, the importance now given to cross-cuttingness, multidisciplinarity and team work, partnerships with various bodies (NGOs, decentralized cooperation, voluntary workers), the activities of local authorities (the example of Nantes) and that of a building or public works consultancy. The discussions, which were at times animated, related to the small number of urban planning consultancies in France, the role of the State, and the cost of expertise.