1994 Coopérer avec les collectivités locales

Synthèse Journée d’Étude AdP

du vendredi 9 septembre 1994

COOPÉRER AVEC LES COLLECTIVITÉS LOCALES
Ecole Nationale des ponts et Chaussées

Se proposant de créer un espace et un temps de réflexion sur les modes de mise en œuvre des projets de coopération avec les collectivités locales, cette journée débat a été organisée en une succession de tables rondes ayant pour thèmes les coopérants, le montage et la mise en œuvre des projets municipaux, et les problèmes de la coopération décentralisée. Chaque table ronde a été suivie d’une séquence de questions-réponses. La journée se termine par une table ronde de synthèse.

La première table ronde, consacrée aux coopérants, s’est tenue autour de trois coopérants impliqués concrètement et quotidiennement dans des projets de coopération avec les collectivités locales (Christian Audibert, assistant technique auprès de la communauté urbaine de Douala, André Harnist, assistant technique auprès de la mairie de Bangui, Nicolas Widmer, assistant technique auprès du ministère de l’Equipement de Mauritanie).

Leurs témoignages, ainsi que les interventions d’autres participants donnent des éclairages sur la justification de la présence de coopérants au sein des organismes ou organisations avec lesquels les programmes de développement montés, sur leur utilité et les conditions dans lesquelles ils doivent travailler, sur les relations et leurs rôles par rapport aux autorités auprès desquelles ils sont placés, sur le niveau de leur indépendance vis-à-vis de ces autorités, sur les relations entretenues avec l’organisme qui les finance.

La deuxième table ronde, consacrée aux projets municipaux, s’est tenue autour de Christian Curé (membre de la DG VIII au sein de la Commission des Communautés Européennes, travaillant sur la coopération décentralisée), de Victor Chomentowski (directeur d’un bureau d’études spécialisé dans les collectivités locales en France et à l’étranger), Felipe Starling (chef du Bureau Collectivités locales-développement urbain au ministère de la Coopération) et Jean-Pierre Elong M’Bassi (coordonnateur du Programme de Développement Municipal, module Afrique de l’Ouest). Avant de répondre à des questions, ces intervenants font un exposé de leur activité.

Christian Curé propose un bref panorama des approches du secteur urbain ou du développement municipal au niveau de la Commission européenne, évoquant les types de programmes (programmes du Fonds Européen de Développement, programmes ciblés sur les centres secondaires), le niveau de l’aide et les secteurs concernés, les évolutions venant après de nouveaux accords de coopération accordant une dimension importante à l’aide aux villes secondaires, et la place de la coopération décentralisée. Il note toutefois que le champ municipal n’est pas une priorité explicite de travail au niveau communautaire, et souligne enfin le rôle que peuvent jouer les organisations de base, les ONG et les organisations représentatives dans la coopération décentralisée, estimant que les pouvoirs locaux n’ont pas encore pris toute leur place dans ce dispositif.

Victor Chomentowski expose des réflexions inspirées par son travail au sein d’une équipe pour la préparation du Quatrième Projet Urbain du Sénégal, les missions portant sur le redressement municipal qui doit permettre l’élaboration des contrats de ville, et comportant plusieurs composantes transversales, dont certaines classiques pour des projets de développement municipaux. Ayant également participé au Deuxième Projet Urbain, il commente l’évolution des projets et leur mise en œuvre, constate les effets du temps, les évolutions des conditions de mise en place de ces projets (financements, intervenants) et conclut sur les problèmes que connaissent les finances publiques.

Felipe Starling indique qu’une part croissante des projets urbains de coopération menés par la France est en direction des collectivités locales et qu’une part croissante de l’assistance technique porte sur les projets communaux. Il souligne que ces projets sont effectivement liés à la problématique du développement urbain, et participent à l’organisation des services urbains et à la gestion du développement urbain. Il aborde ensuite quelques points posant question : la dispersion de l’action, les diversités des situations institutionnelles, donc la difficulté qu’il y a à évaluer ou comparer l’efficacité des actions. Il estime que ces programmes à vocation institutionnelle doivent comporter une part d’investissement dans les infrastructures.

Enfin, Jean-Pierre Elong M’Bassi vient apporter un point de vue critique, estimant que la France ne coopère pas avec les collectivités locales mais avec les Etats à propos des collectivités locales, estimant que les tentatives de coopération avec les collectivités locales se font à travers la coopération décentralisée qui, pour lui, ne bénéficie pas d’un cadre politique réel, que ce soit en France ou du côté des Etats africains. Il affirme que les Etats mettent en place la décentralisation et le développement municipal car ces réformes conditionnent la coopération internationale, celle-ci exigeant un développement de la démocratie, une démocratie qui pourtant ne s’enracine pas. Jean-Pierre Elong M’Bassi brosse un tableau assez sombre de la réalité du terrain : faiblesse de l’action des collectivités locales, environnement institutionnel instable. Evoquant parfois le rôle possible de la coopération française, il dessine alors les perspectives d’action du Programme de Développement Municipal (PDM) : structuration des associations de pouvoirs locaux, reconquête de la place de l’institution dans le paysage institutionnel africain, amélioration des relations entre les collectivités locales et les populations.

La troisième table ronde, sous la direction de Jean-Marie Tétart de Cités Unies Développement, une agence de coopération décentralisée inter-municipale, avec pour thème la coopération décentralisée, a réuni Micheline Prahecq, adjointe au maire d’Orléans et chargée des jumelages, Jacques Gagneur de l’Agence d’urbanisme du Grand Lyon et Jean-Michel Guitard de l’Etablissement public d’aménagement de l’agglomération de la ville nouvelle d’Evry.

Micheline Prahecq rend compte de l’expérience de coopération décentralisée entre Orléans et la ville de Parakou, troisième ville du Bénin, une expérience récente débutée en 1992 et dont le premier programme vient d’être évalué. Sa démarche est fondée sur une rigueur de fonctionnement en termes de partenariat (par le partage des financements des différents projets par exemple), l’exigence de développement dans le choix des actions, et le suivi financier (qu’est devenu l’argent d’Orléans ?). D’autres dimensions importantes sont la formation du personnel municipal et l’amélioration du quotidien des populations, ainsi que la cohérence des projets dans le temps. Elle évoque les moyens mis en place (un coopérant sur place pour le contrôle financier), les conséquences apparentes, les résultats de l’évaluation, l’intérêt manifesté par la population d’Orléans.

Jacques Gagneur décrit les actions menées par la communauté urbaine du Grand Lyon au profit de Ho Chi Minh Ville et de Santiago du Chili, l’agence d’urbanisme agissant comme maître d’œuvre. Dans les deux cas, les projets ne portent pas sur des réalisations immédiates mais plutôt sur la planification stratégique en s’appuyant sur des échanges entre professionnels et experts, puis sur le passage de la planification stratégique au permis de construire. Des missions de spécialistes ont été organisées, portant par exemple sur les plans de circulation ou les plans de transport. Jacques Gagneur évoque les difficultés rencontrées : obstacle de la langue, difficulté à trouver le bon interlocuteur et à avoir accès aux données.

Jean-Michel Guitard présente brièvement les actions de coopération menées par le syndicat d’agglomération nouvelle de la ville nouvelle d’Evry avec la ville de Kayes au Mali qui connaît, comme d’autres agglomérations d’Afrique et du monde entier, une urbanisation rapide, une croissance que les villes nouvelles ont aussi connue. La coopération consiste ici en un dialogue entre les municipalités, mais aussi en des actions pratiques.

La table ronde de synthèse, sous la présidence de Fabrice Richy, a réuni Michel Gérard du ministère de l’Equipement et membre d’AdP, Ta Thu Thuy, consultante spécialisée dans les problèmes de l’environnement urbain, Olivier Piron (Plan Construction) et Michel Sudarskis de l’Association Internationale du Développement Urbain (AIVN). Ces intervenants proposent quelques commentaires sur la question de la durée et de la continuité des projets urbains, indiquent les points qui leur ont paru importants dans cette journée : la coopération décentralisée est complexe, la situation difficile des Etats se répercute sur celle des municipalités, les municipalités ne peuvent prélever des impôts que si elles apportent des résultats concrets, le développement économique est nécessaire, les relations de coopération décentralisée auront des conséquences sur les relations économiques et industrielles, reconquête d’une place par les pouvoirs locaux.

 

Cooperating with local authorities

Study day – 9 september 1994 « Synthesis »

This discussion day set out to consider the ways in which cooperation projects with local authorities are implemented. It consisted of a succession of round tables whose themes were development workers, setting up and implementing municipal projects, and the problems of decentralized cooperation. Each round table was followed by a question and answer session. The day ended with a summarizing round table.

The first round table, which dealt with development workers, was centred around three development workers who are involved at a practical level and on a daily basis in development projects with local authorities (Christian Audibert, a technical assistant working for the urban community of Douala, André Harnist, a technical assistant working for Bangui City Hall, Nicolas Widmer, a technical assistant working for the Mauritanian Ministry of Infrastructure).

Their statements, and the remarks of the other participants, helped to justify the presence of development workers in bodies or organizations with which development programmes have been organized, and shed light on their value and the conditions under which they should work, on their relationships with and roles in the authorities where they are placed, on their level of independence with regard to these authorities, and on the relationships that are maintained with the body that funds them.

The second round table, which was devoted to municipal projects, was centred around Christian Curé (a member of DG VIII within the Commission of the European Communities, working on decentralized cooperation), Victor Chomentowski (director of a consultancy specializing in local authorities in France and abroad), Felipe Starling (Head of the Local Authorities – Urban Development Office at the Ministry of Cooperation) and Jean-Pierre Elong M’Bassi (coordinator of the Municipal Development Programme, West African Unit). Before answering questions, the speakers described their activities.

Christian Curé gave a brief overview of the approaches to the urban sector and municipal development in the European Commission, describing different types of programmes (European Development Fund programmes, programmes targeting secondary centres), the level of aid and the sectors involved, the changes resulting from new cooperation agreements that give an important place to aid for secondary cities, and the role of decentralized cooperation. He nevertheless noted that the municipal field is not an explicit priority for work at community level, and lastly emphasized the role that could be played by grassroots organizations, NGOs and representative organizations in decentralized cooperation, in view of the fact that the local and regional authorities have not yet started to exercise a full role in this system.

Victor Chomentowski spoke of his work as part of a team preparing the Fourth Urban Project for Senegal, which included assignments relating to municipal turnaround which must permit the drafting of urban contracts and possess a number of cross-cutting components, some of which are a traditional feature of municipal development projects. As he had already taken part in the Second Urban Project, he described the changes in the projects and their implementation, observed the effects of time, changes in the ways in which projects are set up (financing, participants) and ended by describing the problems facing public finance.

Felipe Starling stated that an increasing proportion of French-led urban cooperation projects are aimed at local authorities and that an increasing proportion of technical aid is for municipal projects. He emphasized that these projects are effectively linked to the issue of urban development and help organize urban services and manage urban development. He next dealt with several issues: the dispersion of activities, the diversity of institutional situations which makes it difficult to evaluate or compare the effectiveness of programmes. In his view, institutional programmes should include some investment in infrastructure.

Last, Jean-Pierre Elong M’Bassi provided a critical view, considering that France does not cooperate with local authorities but with governments with regard to local authorities, and that attempts at cooperation with local authorities take place via decentralized cooperation which, in his view, has no genuine political framework, either in France or in the African States. He stated that governments implement decentralization and municipal development as these reforms make international cooperation possible, as this requires the development of democracy, but democracy does not take root. Jean-Pierre Elong M’Bassi painted a fairly bleak picture of the situation in the field: local authority action is weak, in an unstable institutional environment. He referred several times to the possible role of French cooperation, outlining possibilities for action in the framework of the municipal development programme (PDM): organizing associations of local authorities, regaining the position of the institution in the African institutional landscape, improving relationships between local authorities and the population.

The third round table, led by Jean-Marie Tétart from Cités Unies Développement, a decentralized inter-municipal cooperation agency, with decentalized cooperation as its theme, brought together Micheline Prahecq, deputy mayor of Orléans with responsibility for twinnings, Jacques Gagneur from the Greater Lyon Urban Planning Agency and Jean-Michel Guitard from the Public Planning Body of the Evry new town conurbation.

Micheline Prahecq described a decentralized cooperation experiment involving Orléans and Parakou, Benin’s third largest city. This recent experiment started in 1992 and its first programme has just been evaluated. The approach is founded on operational rigour with regard to partnership (by the sharing of funding between the different projects for example), the requirement for development to feature in the selected programmes and for financial monitoring (what has happened to the money provided by Orléans?). Other important dimensions are the training of municipal staff and improving the day-to-day lives of the inhabitants, as well as the coherence of projects over time. She described the resources that had been put in place (one development worker on the spot for financial monitoring), the visible outcomes, the results of the appraisal, and the interest shown by the population of Orléans.

Jacques Gagneur described the programmes run by the urban community of Greater Lyon to assist Ho Chi Minh City and Santiago de Chile, with the urban planning agency acting as project supervisor. In both cases, the projects were not concerned with immediate construction projects but more strategic planning based on exchanges between professionals and experts and then involved the transition from strategic planning to building permits. Expert visits were organized, relating for example to traffic or transport plans. Jacques Gagneur described the difficulties that were encountered: the language obstacle, the difficulty of finding the right interlocutor and gaining access to data.

Jean-Michel Guitard briefly presented the cooperation activities conducted by the new town of Evry with the city of Kayes in Mali which, in common with all the conurbations in Africa and the rest of the world, is experiencing rapid urbanization as have the French new towns. In this case cooperation involves a dialogue between municipalities, but there are some practical activities too.

The summarizing round table, which was chaired by Fabrice Richy, brought together Michel Gérard from the Ministry of Infrastructure and a member of AdP, Ta Thu Thuy, a consultant specialized in the problems of the urban environment, Olivier Piron (Plan Construction) and Michel Sudarskis from the International Network for Urban Development (AIVN). These speakers made a number of comments regarding the duration and continuity of urban projects, and mentioned which of the points that had been raised struck them as important: the complex nature of decentralized cooperation, how the difficult position of central governments affects municipalities, municipalities can only raise taxes if they provide concrete results, economic development is necessary, decentralized cooperation ties will have impacts on economic and industrial ties, and the need for local authorities to regain a role.