2003 Métiers et carrières de la coopération urbaine – Dynamique de la Coopération Urbaine

Document préparé par Caroline Martin, sous la direction de Antoine Olavarrieta, Françoise Reynaud et François Vergès. AdP c/o ISTED – Villes en développement

Michel Henry, impliqué dans le secteur de la coopération à travers la direction de Syntec Ingénierie, a présenté le rôle des sociétés françaises d’ingénierie dans les actions d’aide au développement et plus précisément la place du développement urbain.
Jean-Paul Morin, en décrivant les missions de France Coopération International, a montré comment dans le cadre d’un Groupement d’Intérêt Public, le Ministère des Affaires Etrangères pouvait impliquer l’expertise privée du secteur urbain français.
André Hernandez a insisté sur le contexte social danois dans lequel il travaille, pour enrichir le débat en apportant un point de vue extérieur et comparatif au système de coopération française.
Serge Allou, en s’appuyant sur son expérience au GRET, a fait le point sur le marché des ONG dans le domaine de l’urbain puis a développé l’évolution des missions d’aide au développement urbain. Ces constatations ont conduit à définir les contours tant des profils recherchés que des capacités d’accueil des ONG.
Alain Durand-Lasserve, à travers l’énoncé des institutions et structures de recherche françaises, les disciplines et les thèmes concernés, a présenté les évolutions de ce milieu. Il est clairement apparu que la conduite de recherche dans le domaine de l’urbain n’avait de sens qu’à travers une meilleure articulation entre recherche et opérationnel.

Place de l’ingénierie urbaine française dans l’aide publique au développement

Michel Henry, Directeur à EGIS, Président de la Commission Internationale de SYNTEC Ingénierie.
Le titre de l’exposé figurant sur le programme de cette journée est légèrement différent : « Place de l’ingénierie urbaine française dans l’aide publique au développement et la réponse aux appels d’offre internationaux ». Mais, la délimitation de l’ingénierie urbaine française m’est apparue difficile à définir, car ce que les bailleurs de fonds de l’aide publique au développement regroupent dans le champ de l’urbain, sous des appellations d’ailleurs variables, est très large : il peut s’agir de planification urbaine, de plans de développement urbains, de restructurations de services publics et de privatisations, d’infrastructures (voiries, eau, assainissement, télécommunications, énergie, etc.), d’équipements sociaux (marchés, dispensaires, écoles, etc.), de transports urbains, de finances municipales, de formations aux métiers de la ville, etc.
Les sociétés d’ingénierie et de conseil sont intéressées à l’ensemble de ces projets ou seulement à certains d’entre eux, sans pour autant se considérer comme spécialistes de l’urbain. Un seul exemple : les sociétés spécialistes de l’ingénierie de l’eau réalisent des projets « urbains » dont la composante « eau » est prépondérante ou même exclusive, mais elles ne se caractérisent pas elles-mêmes d’abord comme ingénierie urbaine.
J’ai donc préféré présenter plus généralement la présence de l’ingénierie française sur l’aide publique au développement (APD) et faire des commentaires sur la part prise par ce qui est plus spécifiquement urbain.

Quel rôle l’ingénierie française joue-t-elle dans les actions d’aide au développement ?

Reprenant une répartition classique, on peut distinguer le bilatéral français et le multilatéral. Avec le déliement de l’APD effective depuis le 1er janvier 2003, le bilatéral français devrait d’ailleurs progressivement perdre sa spécificité, mais la période de transition risque d’être longue.
Dans le cadre bilatéral français, les sociétés d’ingénierie sont associées aux actions du Ministère des Affaires Etrangères (MAE) et de l’Agence Française de Développement (AFD) par le biais de contrats après appel d’offres. Elles sont aussi présentes sur les opérations financées sur les crédits de la Direction des Relations Economiques Extérieures (DREE), (Fonds d’Etudes et d’Aides au Secteur Prive (FASEP), RPE, fonds fiduciaires).
Trois remarques :
  • Le MAE a une longue tradition de mise en œuvre de coopérants directs et ne fait appel aux sociétés d’ingénierie qu’en dernier recours. Une évolution est cependant perceptible pour le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) et nous souhaitons que l’ingénierie professionnelle devienne très vite un partenaire reconnu du Ministère avec une part de marché beaucoup plus importante qu’actuellement, à l’instar de ce que l’on observe chez nos voisins européens. Il ne s’agit pas évidemment pour l’ingénierie professionnelle de se substituer totalement aux experts publics réalisant des missions de coopération institutionnelle, ni aux fonctionnaires détachés comme assistants techniques de longue durée, mais plutôt d’apporter une expérience extérieure acquise sur les projets multilatéraux, par exemple.
  • Dans le secteur de l’urbain traditionnel, peut-être plus que dans les autres secteurs, le MAE comme l’AFD ont plus recours à des consultants indépendants qu’à des sociétés d’ingénierie, probablement en raison de nature des missions.
  • D’une manière générale, le volume des actions menées en bilatéral susceptibles de mobiliser des consultants ou des sociétés d’ingénierie est relativement faible. Malheureusement, l’estimation des volumes annuels n’est pas disponible, alors que ce devrait être un indicateur intéressant à la fois pour la profession, les Ministères et l’AFD, au moment où le partenariat public privé est encouragé pour la réalisation des opérations d’aide au développement.
(programmes de l’Union Européenne, de la Banque Mondiale, des Banques Régionales de Développement), le recours aux consultants est la règle et les sociétés d’ingénierie occupent une place importante. Les sociétés françaises intéressées peuvent participer aux appels d’offres internationaux, en se pliant aux règles des différentes Institutions Financières Internationales. En principe, ces Institutions veillent à ce que leurs actions se déroulent dans la plus grande transparence, en particulier au niveau des informations disponibles. La concurrence sur ces projets est particulièrement vive et les candidats doivent faire preuve d’un grand professionnalisme à tous les stades des projets : au moment de la détection des projets à venir, de l’expression d’intérêt, qui revêt un caractère plus ou moins formel selon les bailleurs de fonds et les clients, et de la recherche de partenaires locaux et éventuellement internationaux ; puis, bien entendu, au stade du montage de l’offre, lorsqu’il faut faire la différence grâce à une bonne approche méthodologique et à la constitution de la meilleure équipe possible. Toutes ces procédures imposent des investissements amont considérables et expliquent que peu de sociétés françaises sont en mesure d’intervenir massivement et efficacement.

Quelle place les sociétés françaises occupent-elles sur le marché de l’aide au développement financée par les Institutions Financières Internationales ?

Je passerai en revue les trois grandes institutions que sont : la Banque Mondiale, la Banque Asiatique de Développement (ADB) et l’Union Européenne. Pour être exhaustif, il faudrait aussi s’intéresser à la Banque Interaméricaine de Développement, à la Banque Africaine de Développement, aux Banques et Institutions sous-régionales et aux Fonds arabes. La dispersion, et le caractère souvent hétérogène des informations, rendent l’exercice difficile et nécessitent des redressements. Par ailleurs, toutes ces données sont entachées d’incertitudes car l’attribution de décaissements ou de marchés à une société d’un pays ne tient pas compte en général des co-traitances et des sous-traitances, qui peuvent ne pas être négligeables.
BANQUE MONDIALE
(Montant des décaissements au profit de prestataires étrangers, en MUS$)
Année fiscale 1999 2000 2001 2002
Total décaissements « Consultant » 706 635 556 479
Part de la France 47 49 36 40
% 6,63% 7,64% 6,50% 8,33%
Place de la France 4 3 5 4
Commentaires :
  1. La part de marché des consultants français fait mieux que se maintenir, dans un contexte où les décaissements au profit de consultants internationaux diminuent assez fortement. A l’intérieur de la part de la France, on observe une forte concentration : quelques intervenants (2 à 8 sur 55 à 80 selon les années) s’adjugent 50% du total des contrats obtenus (voir §3.3 ci-après).
  2. Les USA (de 23 à 17%) et le Royaume-Uni (de 16 à 14%) occupent systématiquement les places 1 et 2. La France est devancée également, selon les années par le Canada, l’Australie et/ou l’Allemagne.
BANQUE ASIATIQUE DE DEVELOPPEMENT (ADB)
(Montant des marchés attribués aux consultants selon la nationalité des sociétés, en M$)
Année 1999 2000 2001 2002
Total marchés « Consultant » 267,23 347,88 282,19 267,31
Part de la France 7,14 11,22 4,53 3,15
% 2,67 % 3,23% 1,61% 1,20%
Rang 11 11 15 16
Pays asiatiques devançant la France Indonésie Philippines inde Indonésie
Philippines Indonésie Philippines Inde
Inde Indonésie Philippines
Thaïlande Hongkong
Bangladesh Pakistan
Sri Lanka Népal
Népal Sri Lanka
Classement hors Pays asiatiques 9 8 8 9
Commentaires :
  1. L’ADB comptabilise des montants de contrats attribués et, en cas de Groupement, les affecte au pays d’origine du leader. Elle mixe les « internationaux » et les nationaux travaillant dans leur propre pays. Les montants indiqués sont la somme des Technical Assistance Operations (TA) et des Project Loans (ressources ordinaires + Fonds de Développement Asiatique).
  2. La part de marché des consultants français, déjà modeste, est en baisse sensible sur les dernières années. Une des raisons est la montée en puissance des ingénieries des pays asiatiques. Si l’on fait abstraction de ce phénomène, la France n’apparaît néanmoins pas très bien classée parmi les « internationaux » (8 ou 9ème place). Les sociétés françaises ne sont pas très nombreuses et on observe aussi une forte concentration.
  3. Les trois premières places sont systématiquement occupées par les USA, la Grande Bretagne et l’Australie. Les autres pays importants sont : le Japon, la Nouvelle Zélande, le Canada, les Pays-Bas et l’Allemagne.
UNION EUROPEENNE
Différents programmes de coopération extérieure mobilisent les consultants et les sociétés d’ingénierie : FED, PVD ALA, PHARE, TACIS, MEDA, ISPA, SAPARD, CARDS, etc. La répartition par nationalité des prestataires des décaissements et des contrats attribués est difficilement accessible.
Une analyse des candidatures enregistrée pour les contrats-cadres qui ont été attribués en 2000 pour 3 ans et qui concernent les prestations de consultance et d’assistance technique de moins de 200 000 € donne une analyse intéressante de la mobilisation française. Les candidats ne sont pas que des consultants ou des sociétés d’ingénierie, puisqu’on trouve aussi des instituts de recherche, des organismes techniques publics, des universités, voire de grandes entreprises publiques de services (comme EDF notamment). Toutefois, tout le secteur de l’ingénierie est concerné. Les candidats se regroupent en consortium rassemblant plusieurs organismes de pays différents en général des pays membres, mais aussi de pays en accession, notamment.
  • 13 lots, dont le lot n°2 (infrastructures de transport, hydraulique, sanitaire, urbaines et rurales) recouvre le secteur urbain de la manière la plus explicite,
  • 73 organismes français ont été candidats (quelquefois dans le même groupement) :
    • dont 5 dans 3 lots (ce qui constituait le maximum autorisé)
    • dont 11 dans 2 lots
    • dont 57 dans un seul lot.
  • 94 candidatures françaises sur un total de 790, soit 12 % environ ce qui est modeste.
Pour le lot 2 (infrastructures de transport, hydraulique, sanitaire, urbaines et rurales) :
  • 20 groupements européens candidats (100 organismes) dont 9 avec des sociétés françaises (10 au total : BETOM Ingénierie, ANTEA International, SEURECA SPACE, BCEOM, SOGREAH, INGEROP, SETEC, SGI-SECTRA, SODETEG, SAFEGE)),
  • 9 groupements retenus dont 7 avec des sociétés françaises (8 au total, les consortia de SOGREAH et de SGI-SECTRA n’ayant pas été retenus).
Au total, la présence française sur les financements de l’aide multilatérale est plutôt modeste et la part de marché des consultants français s’érode. Toute mesure visant à la renforcer est la bienvenue. SYNTEC Ingénierie suit avec attention les actions de la DGCID (Ministère des Affaires Etrangères) visant à améliorer la pénétration française sur ces crédits, en particulier en favorisant le partenariat public privé. En effet, une partie de l’expertise à mobiliser se trouve dans les administrations, les organismes publics, les collectivités locales, etc. et il n’est pas toujours très aisé pour les sociétés d’ingénierie privées d’intégrer les experts publics dans leurs équipes de projet. La récente création du GIP « France Coopération Internationale » devrait se révéler positive à terme sur ce point.

Le secteur du développement urbain

Sur le secteur plus spécifique du développement urbain, j’aborderai deux aspects :
  • Le poids du secteur dans l’ensemble de l’aide publique au développement (APD).
  • La situation de l’ingénierie française dans ce secteur.
Poids relatif du secteur du développement urbain dans l’APD
Il n’est pas simple d’isoler le domaine « développement urbain » car les classifications des organismes ne sont pas homogènes. Par ailleurs, il est difficile d’être exhaustif. Je m’appuie sur une étude récente menée par la société IFIS pour le compte de la DiGITIP du Ministère de l’Industrie. Cette étude n’isole pas l’ingénierie et la consultance et elle fournit des montants globaux sur les années 2000 et 2001 à partir de l’observation des projets de 4 grandes institutions : Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, Banque Interaméricaine de Développement, Banque Asiatique de Développement.
  • le secteur du développement urbain apparaît au second rang (après les transports) avec 2,3 MrdsUS$, soit 12,7% de l’échantillon de 18 MrdsUS$
  • sur 823 projets strictement « développement urbain », la France en a remporté 35, soit moins de 4%
  • 338 projets comportant du « développement urbain » sont en cours de préparation, même s’ils sont classés dans des secteurs variés
  • sur ces 338 projets, plus de la moitié est concentrée en Amérique Latine et Caraïbes et en Europe de l’Est.
La situation de l’ingénierie française dans le secteur du développement urbain
Les documents ci-après permettent d’avoir une bonne photographie de la situation sur les 25 dernières années :
  1. Etude du Groupement de Recherche INTERURBA « Le dispositif français de recherche et d’études urbaines dans les PVD » (Plan Urbain- Sept. 1993)
  2. MAE – DGCID « Etude sur les capacités de réponses françaises aux appels d’offres multilatéraux en matière de développement social urbain » faite par M. Jean Luc PERRAMANT (Sept. 1998)
  3. Contribution de l’Association des professionnels « développement urbain et coopération » (AdP) au Groupe de Travail « Ville et coopération internationale » du HCCI (juin 2001), synthèse rédigée par Xavier CREPIN, Délégué Général de l’ISTED
Le rapport commandé en 1998 par la DGCID (François NOISETTE), a fait l’inventaire des structures françaises capables de répondre à des appels d’offres multilatéraux. Il a en premier lieu constaté que la commande bilatérale, notamment des services de coopération du MAE, était morcelée et sans dispositif de suivi et de capitalisation. Elle ne préparait pas les bureaux d’études français à être compétitifs auprès des bailleurs de fonds multilatéraux.
De fait, les plus grandes sociétés d’ingénierie ne font qu’une part modeste de leur activité export sur les fonds bilatéraux, réservant leurs efforts aux appels d’offres multilatéraux. Pour cela, il leur faut développer un réseau de relations efficaces avec l’ensemble des bailleurs de fonds, et mettre en place des représentations à Washington, Bruxelles, Manille, etc. Ils ont aussi, et c’est de plus en plus nécessaire, une présence permanente dans les pays ou, au moins, au niveau sous-régional. Au total, cela représente des coûts fixes d’approche commerciale très lourds, qui expliquent que ces sociétés doivent être ensuite très sélectives sur les projets suivis.
Les structures plus modestes ne peuvent assurer une veille sur toutes les institutions multilatérales, même si aujourd’hui l’utilisation d’Internet apporte une aide puissante, et elles se spécialisent sur des « niches » et sur un type de bailleur de fonds donné, comme la Banque Mondiale ou l’Union Européenne. Ces structures travaillent plus au coup par coup et souvent en co-traitance ou en sous-traitance.
Les champs couverts par les intervenants du secteur sont variés :
  • les aménagements physiques : réseaux, viabilisation de terrains, équipements urbains,
  • le renforcement institutionnel : appui aux collectivités locales, fiscalité, gestion du foncier, finances municipales, etc.
Les difficultés rencontrées par l’ingénierie sont nombreuses : étroitesse du marché bilatéral (auquel on pourrait ajouter la déconnexion entre les activités en France et les activités à l’export, qui à elle seule constitue un autre débat), nécessité d’être à la fois spécialiste et polyvalent sur le marché du multilatéral, gestion des relations avec les autres intervenants que sont les ONG et les acteurs de la coopération décentralisée (collectivités territoriales et leurs différents prolongements).
Il faut aussi ajouter le manque de lieu de réflexion et d’action – et aussi dans le passé d’accueil pour des experts du public entre deux affectations -, comme le SMUH et l’ACA avaient pu le constituer, et de programmes mobilisateurs pour les actions de coopération et de développement, comme REXCOOP par exemple. Il faut espérer que le Programme PRUD sera à même de jouer un rôle de relance.
A titre d’exemple, les contrats gagnés par des français en 2002 sur des projets de la Banque Mondiale dans le secteur du développement urbain
(Il s’agit de contrats signés en 2002, et non de décaissements comme ci-dessus au §2. Le fichier de base m’a été communiqué par la société IFIS)
En 2002 sur les opérations financées par la Banque Mondiale, les intervenants français ont signé 86 contrats portant sur un montant total de 35,186 millions US$. Au total, 55 sociétés ou individuels ont signé un ou plusieurs contrats. La concentration est forte puisque BCEOM représente à lui seul 21% du total, le groupe EGIS (BCEOM + SCETAUROUTE) 26% et les 6 premiers organismes totalisent plus de 51%. Quatre-vingt-dix pour cent du montant total est acquis par seulement 23 intervenants, soit 40% de l’ensemble de ceux qui ont signé des contrats.
Un tri sur le critère « secteur urbain » donne 18 contrats répartis entre 12 intervenants pour un montant global de 11, 018 millions US$, soit 31% de la « part de marché française » sur la Banque Mondiale :
M US$
SYSTRA 3 826
BCEOM 1 964
BRGM 1 310
FABRE/SPELLER 864
SEURECA SPACE 786
MAZARS & GUERARD 638
SOGREAH 537
ICEA 490
ANTEA 296
TAYLOR NELSEN SOFRES 139
ACT-OUEST 90
MARIE-JOVITE DE COURLON 78
Les contrats les plus importants concernent le transport urbain, l’eau et l’assainissement, la préparation ou l’accompagnement de privatisations de services urbains. La composante programmation ou planification urbaine est quasi inexistante.

Quelques considérations sur l’ingénierie du secteur urbain dans le cadre de l’aide au développement

Tout d’abord, les capacités d’interventions dans ce secteur sont difficiles à cerner actuellement : les organisations professionnelles comme SYNTEC Ingénierie ou Chambre des Ingénieurs Conseils de France, (CICF) ne rassemblent qu’une fraction des sociétés capables d’intervenir. Beaucoup, comme le Groupe Huit par exemple, n’adhèrent à aucune organisation professionnelle. La connaissance et la défense efficace des intérêts des sociétés sont difficiles dans ces conditions.
L’abandon par la Banque Mondiale des grands projets urbains en Afrique pour lesquelles, suite à de multiples raisons historiques, notamment la présence de nombreux coopérants français, de grandes sociétés françaises excellaient (SCET International, BCEOM, OTUI, sans compter le SMUH puis l’ACA, etc.) a marqué un reflux très sensible de la demande de planification du développement urbain.
La réduction des effectifs de coopérants français dès les années 80 a diminué le vivier dans lequel ces sociétés recrutaient. La nécessité de mettre sur les propositions internationales des experts ayant plusieurs années d’expérience reconnue empêche malheureusement l’emploi de jeunes professionnels.
La demande diminuant, les plus grandes sociétés multidisciplinaires ont adapté leur offre dans le domaine, soit en se séparant de leurs experts, soit en les reconvertissant vers des secteurs plus porteurs (eau, assainissement, transport urbain, finances municipales, par exemple) : elles n’ont pas quitté le secteur urbain au sens large et tel que le définissent désormais les grands bailleurs de fonds, mais se sont allégées dans les domaines de la planification et de la programmation urbaine ou des missions amont, qui sont devenu l’apanage de petites structures très spécialisées ou de consultants individuels.
Dans le même temps, si un organisme comme l’ACA qui, en plus de son rôle d’opérateur d’actions de coopération bilatérale, était aussi un lieu de capitalisation et d’échange sur les thèmes de l’urbanisation et de l’organisation et le fonctionnement des villes dans les pays en développement, a disparu, la coopération urbaine avec les pays en développement est aussi réalisée maintenant par des agences d’urbanisme de nombreuses agglomérations françaises dans le cadre de la coopération décentralisée ; des actions sont aussi menées par les ONG. Cette dispersion et ce morcellement ne facilitent pas la capitalisation du savoir, ni l’acquisition par les structures professionnelles d’études de compétences nouvelles utiles au montage des projets urbains.
Enfin, il faut mentionner la tendance croissante des aides bi- et multilatérales à financer des programmes et à confier le relais de la mise en œuvre des projets à des organismes intermédiaires nationaux : banques de développement local, AGETIP, etc. L’accès des professionnels français aux projets devient alors plus difficile.