Bulletin n°116

Des ports côtiers aux zones transfrontalières

En concurrence entre eux pour prétendre assumer les services de transport aux pays enclavés, les ports de l’UEMOA sont affectés par des facteurs exogènes qui compromettent la stabilité géopolitique et grèvent leur activité. Claude I. Dossou, chef de la division infrastructures portuaires et aéroportuaires à la commission de l’Union, brosse le portrait des enjeux afférents.

Suite aux attaques terroristes, le poste frontalier de Makalondi est fermé, entravant le trafic des marchandises entre le Niger et ses débouchés portuaires.© C.I. Dossou.
Suite aux attaques terroristes, le poste frontalier de Makalondi est fermé,
entravant le trafic des marchandises entre le Niger et ses débouchés portuaires.
© C.I. Dossou.

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À première vue, on pourrait penser que les ports, véritables hubs et centralités urbains, ne sont pas influencés par des espaces lointains tels que les zones transfrontalières. Cependant, on parle d’arrière-pays portuaire pour surtout traiter de l’hinterland comme on le rencontre avec acuité dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Les ports s’y disputent le même hinterland : Abidjan et Dakar, le Mali ; Cotonou, Lomé, Téma et Abidjan, le Burkina Faso et le Niger.
Les zones transfrontalières de l’espace UEMOA, même à plusieurs milliers de kilomètres des côtes, et le Sahel, subissent des menaces sécuritaires, sources d’atrophie de l’activité portuaire, de la croissance économique nationale et communautaire.
Les ports de l’UEMOA sont reliés à leur hinterland principalement par la route, la voie ferrée n’étant plus opérationnelle depuis quelques années. Ces corridors routiers passent par les zones frontalières où s’opèrent les formalités de transit. Pour illustrer la dépendance des ports de l’Union à leur hinterland, analysons le trafic portuaire.
Le fret du Burkina Faso provient à 38 % du port de Lomé, à 23 % de celui d’Abidjan, à 18 % de Téma et à 14 % de Cotonou. Le fret du Niger vient à 69 % du port de Cotonou, à 13 % de Lomé, à 8 % des ports du Ghana et à 7 % des ports de Côte d’Ivoire. Pour le Mali, 95 % du fret vient à 66 % du Sénégal, à 25 % de Côte d’Ivoire et à 4 % du Ghana.

Crise sécuritaire : réactions en chaîne
Environ 2000 camions de marchandises transitent aux frontières de l’UEMOA au quotidien. Par ailleurs, les statistiques portuaires de 2019 montrent que 52,03 % des marchandises qui arrivent au port de Cotonou sont destinées au pays de l’hinterland. Cette part de marchandises en transit est de 18,35 % pour le port de Dakar, 13,44 % pour le port de Lomé et 7,92 % pour celui d’Abidjan.

La dépendance est ainsi forte entre les ports des pays UEMOA, leur hinterland et ces lieux incontournables de transit que constituent les espaces transfrontaliers. Les zones transfrontalières de l’Afrique de l’Ouest sont des espaces économiques majeurs dans la dynamisation des territoires.
La crise sécuritaire qui sévit dans le Sahel est donc une menace pour la desserte des ports et l’approvisionnement des pays enclavés, Burkina Faso, Mali, Niger. Les attaques armées, au Burkina, au Mali et au Niger, rendent inopérants plusieurs postes de passage aux frontières. Porga/Nadiagou, à la frontière Bénin/Burkina, Pételkolé et Kantchari/Makalondi, à la frontière Burkina/Niger sont fermés. Les sites de Cinkansé, à la frontière Togo/Burkina, de Malanville, à la frontière Bénin/Niger et de Laléraba, à la frontière Côte d’Ivoire/Burkina sont menacés.
Des politiques d’aménagement des espaces frontaliers doivent être mises en place pour favoriser le développement de zones toujours considérées comme oubliées, délaissées, moins aménagées, constituant des terreaux fertiles à l’implantation des groupes armées. Plusieurs initiatives visent à stabiliser et valoriser ces espaces comme le programme « Frontières » de l’Union africaine, plutôt orienté vers la prévention structurelle des conflits et la promotion de l’intégration régionale et continentale.

Planifier pour développer
Les Schémas d’aménagement transfrontaliers intégrés (SATI) dans la zone UEMOA, documents de planification et d’exécution, allient solutions institutionnelles et projets de développement au profit des populations pour donner à ces espaces transfrontaliers un début d’urbanisation.

Les SATI SKBo 2018-2030 (Sikasso Korhogo Bobo-Dioulasso) et IIIRSahel 2018-2024 (Initiative pour l’intégration des infrastructures régionales du Sahel) sont en cours de mise en oeuvre. Le SATI SKBo met en oeuvre 18 projets d’investissement prioritaires pour un montant global de 43,845 milliards de FCFA et le SATI IIIRSahel exécute un portefeuille de 31 projets d’investissement pour 20,220 milliards de FCFA.

Les projets touchent toutes les politiques sectorielles qui contribuent au développement économique local de ces espaces transfrontaliers : routes, énergie, agriculture, eau, élevage, santé, éducation, commerce, etc.