Bulletin n°116

Gouverner demain les relations métropole-port

L’intitulé de sa thèse - Approche par le compromis des pratiques de gouvernance portuaire : pistes prospectives à partir de l’étude de cas des ports du Havre et d’Abidjan - fait de Brigitte Daudet une spécialiste en la matière. Cette enseignante-chercheuse est membre du Métis, un laboratoire de recherche installé à l’école de management de Normandie.

Ancien quartier, aujourd’hui rasé, de Xwlapodji, à l’arrière-plan, le phare du wharf colonial de Cotonou. Le « nouveau » port construit juste après l’indépendance se trouve à proximité immédiate. Mars 2017 © Michel Caron
Ancien quartier, aujourd’hui rasé, de Xwlapodji, à l’arrière-plan, le phare du wharf colonial de Cotonou.
Le « nouveau » port construit juste après l’indépendance se trouve à proximité immédiate.
Mars 2017 © Michel Caron

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En matière portuaire mais aussi métropolitaine, l’acte de gouverner n’est jamais isolé, unilatéral et mono-lithique. Bien au contraire, la complexification des écosystèmes métropolito-portuaires tendent à dilater et diluer les modalités et responsabilités de gouvernance. Sur le continent africain, les structures de gouvernance sont avant tout politiques car les entités portuaires constituent des socles socio-économiques vitaux qui interagissent souvent de manière symbiotique avec les métropoles qui les hébergent. Plus que la gestion des relations entre la métropole et le port, ce sont les modalités de la production des décisions et des visions qui s’avèrent cruciales pour un développement concerté et projeté des deux macro-ensembles.

Métropole portuaire, objet régalien
La gouvernance est avant tout un produit d’organisation hyper institutionnalisé pour que les pouvoirs publics conservent un contrôle certain sur le développement des activités des ports. Les organes de gestion et de décision sont principalement occupés par des hauts fonctionnaires d’État, désignés par la Présidence.

Au cours des dernières décennies, les métropoles et ports subsahariens ont « délégué » au secteur privé la responsabilité d’activités essentielles (eau, électricité, transports, etc.). Le port ne fait pas exception avec la systématisation des concessions sur les terminaux. De ces nouvelles relations partenariales entre les sphères publique et privée découlent des organisations managériales où les questions de représentativité et d’efficacité se posent de plus en plus. On parle même de culture performative. On cherche à disposer d’organes de gouvernance qui ne soient plus constitués que pour gérer des actifs régaliens mais bien pour développer sur le long terme des écosystèmes complexes concurrentiels.

Les agglomérations portuaires demeurent en concurrence les unes avec les autres. La modernisation de la gouvernance passe par la capacité à agencer des relations pas seulement institutionnelles entre le port et la métropole. Cela constitue des leviers indispensables pour projeter des territoires peuplés de millions d’habitants et générant des dizaines de millions de tonnes de trafics nationaux et internationaux.

Le compromis plutôt que le consensus
La principale innovation managériale pour gouverner les grands ensembles métropolito-portuaires africains réside dans l’usage et l’activation du compromis. Cette notion sociologique met au coeur du processus de gouverner des mots-clés comme négociation et conflit, règles et régulations ou encore la triangulaire accord-intérêt-justification. Le compromis doit être activé par les acteurs qui sont les représentants légitimes des parties prenantes (publiques et privées évidemment mais aussi de plus en plus sociétales et environnementales). Le tout doit concourir à un travail plus ouvert et approfondi de construction des décisions dans des organes de gestion élargis.
Cette innovation managériale ne doit pas être confondue avec la recherche permanente de consensus qui suggère une adhésion collective dans une logique d’ajustement des intérêts particuliers de chacun des garants de la gouvernance. Le compromis dans la gouvernance, c’est l’art de bien gérer son port en réussissant à bien travailler tous ensemble comme le résumait un cadre dirigeant du Port autonome d’Abidjan.
Le défi est de retrouver la juste ouverture aux représentants non publics et non institutionnels pour que la gouvernance devienne performative et dépasse les seuls objectifs de contrôle. Une gouvernance par le compromis suppose aussi d’inventer de nouvelles passerelles opérationnelles et stratégiques entre les structures portuaires et métropolitaines.

Un dialogue ouvert ne suffit plus. Il convient de repenser les modalités d’une gouvernance multipartite où les perspectives de croissance du port et celles de la ville puissent se conjuguer. Enfin, le changement des pratiques héritées et des mentalités installées demeure probablement la clé de voute du changement de paradigme pour une gouvernance métropolito-portuaire africaine plus inclusive et durable.