Bulletin n°112

La construction citoyenne de la ville

Atelier participatif pour le développement d’Oyem au Gabon
Atelier participatif pour le développement d’Oyem au Gabon

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Éditorial

Dans l’analyse courante de la ville, le ton adopté est souvent celui de la dénonciation de ses méfaits, de ses inégalités, de ses « incivilités », de ses violences, de sa capacité à détruire les solidarités par les sortilèges néfastes de son attraction pernicieuse. La question urbaine est lue à travers le prisme de la « crise de la vie citadine ». Puisque les villes risquent dans l’avenir d’offrir « l’image du chaos », il conviendra d’y mettre un ordre nouveau, comme le préconisait Le Corbusier. Osons l’utopie démocratique.
La citoyenneté urbaine, une expression poly-sémique que l’on retrouve à la fois dans les discours militants et dans les travaux scientifiques, sera vraisemblablement la réponse pour demain. Elle sera le fruit d’une fabrique urbaine à l’intersection des politiques publiques et des mobilisations de diverses natures (revendicatives, festives) et des expériences associatives des usagers, des résidents, des voisins, des consommateurs. Comme un habitus qui s’épanouira dans un espace public partagé, un « commun » pluraliste, où les projets, les argumentaires, les réquisitoires pourront se construire et se défaire.
Tel est l’objet de ce nouveau numéro de Villes en Développement.
La construction de la ville par le bas recouvre déjà des réalités variées autour de formules adaptées : aménager (nouveaux quartiers ou amélioration de l’espace public, équipements publics), déployer des services urbains (accès à l’eau, collecte des déchets…), développer l’entrepreneuriat local, social et solidaire. De nombreuses réalisations sont bien documentées. Cependant, la capitalisation et la montée en échelle des projets restent trop souvent insuffisantes pour envisager la généralisation des solutions.
Il n’est pas interdit de penser que la gouvernance urbaine tentera de canaliser cette citoyenneté dans des circuits balisés par les pouvoirs publics. La représentation élue est déjà supposée l’appuyer, et elle y parvient souvent. Mais les élus comme les pouvoirs publics sont débordés ou contournés par les dynamiques propres de la ville. Les citoyens s’organisent déjà sur des questions à propos desquelles les élus et les représentants de l’État ne font pas preuve de transparence (information carencée, insuffisante ou peu lisible).
Dans l’avenir, ils s’autonomiseront encore davantage dans des collectifs ad hoc visant l’efficacité. Ils chercheront la négociation avec les pouvoirs publics sur de nouvelles bases et dans une nouvelle configuration des rôles. La citoyenneté deviendra alors un service urbain essentiel que viendra consolider l’accès aux moyens de l’économie numérique (information, participation).

Pierre Jacquemot,
président du Groupe Initiatives